Comment localiser le bruit ?
La première information dont dispose notre système auditif est le décalage de temps entre nos deux oreilles (fig. 1a). Les sons émanant d'une source située directement devant ou derrière parvient simultanément aux deux oreilles. Si la source se déplace vers la gauche ou la droite, le système auditif détecte que les sons émanant de cette même source ont atteint les deux oreilles, mais avec un certain retard, ou, à l'inverse, les deux oreilles captent des fréquences différentes pour le même signal.
Différentiel de temps interaural (Fig. 1a) : Lorsque le son est émis de face, le retard interaural est nul (à gauche). En provenance du côté, avec un tour de tête d'environ 20 cm et une vitesse sonore de 340 m/s, le retard maximal est de 0,58 ms (à droite).
déphasage interaural (Fig. 1b) : Si les oreilles perçoivent généralement un écart de phase (à gauche), selon la fréquence et l'angle d'incidence, elles peuvent détecter une correspondance de phase erronée (à droite).
Les écarts de phase sont mieux déchiffrés à basse fréquence. À des fréquences plus élevées, la longueur d'onde est parfois tellement courte comparée au tour de tête que le phénomène se répète et les deux oreilles peuvent, par coïncidence, capter la même phase (fig. 1b).
Heureusement, le système auditif dispose également d'autres atouts : Une ombre acoustique est créée par la boîte crânienne au moment où le son parvient latéralement, phénomène qui augmente avec la fréquence. À très basse fréquence, le diamètre de la tête est petit par rapport à la longueur d'onde du son aérien. De ce fait, la pression acoustique est sensiblement la même pour l'oreille gauche et l'oreille droite, quelle que soit la direction du son.
Cependant, avec une augmentation de la fréquence, la longueur d'onde diminue et le tour de tête devient un facteur non négligeable. Il constitue un obstacle qui protège et réfléchit le son, ce qui signifie que, par rapport à l'oreille orientée en direction de la source, le signal haute fréquence est atténué lorsqu'il parvient à l'oreille opposée.
La forme des pavillons de l'oreille fournit également une multitude d’informations spectrales (dépendant de la fréquence).
Tout comme le phénomène d’ombre acoustique de la tête, le pavillon fonctionne comme un bouclier qui atténue les hautes fréquences sonores qui ne proviennent pas directement de face. Pour le constater, il suffit de se détourner d'une source et d’y faire face à nouveau. En faisant cette expérience, on ressent un léger changement dans les hautes fréquences, phénomène auquel on ne prête normalement pas attention.
EN SAVOIR PLUSANATOMIE DE L'OREILLE
De plus, en fonction de la fréquence et de l’incidence du bruit, la forme du pavillon a un effet sur le son lorsqu'il est réfléchi dans les conduits auditifs, renforçant certaines fréquences et en atténuant d'autres.
Audition binaurale
En règle générale, pour une expérience acoustique spatiale correcte, il est nécessaire d'utiliser les deux oreilles (binaural), la comparaison entre l'oreille gauche et l'oreille droite apportant des informations très précises sur l'emplacement des sources. Sans surprise, la localisation des sources est plus difficile à réaliser dans la zone médiane, qui ne présente quasiment aucune différence interaurale.
Cependant, le sens de l'orientation dépend beaucoup de l'expérience, laquelle est liée à la physiologie, notamment à la taille et à la forme de la boîte crânienne, du pavillon de l'oreille et des conduits auditifs.
Avec le temps, l'appareil auditif accumule un ensemble de références, par exemple en remarquant que le son provenant de l'arrière est légèrement plus sourd. Par conséquent, pour créer une expérience spatiale probante, permettant de percevoir l'emplacement exact des sources sonores, la reproduction du son doit apporter toutes les informations auxquelles le système auditif est familiarisé.
Deux méthodes principales sont utilisées.
Enregistrement binaural pour lecture en temps réel
Un enregistrement binaural peut être effectué avec deux microphones placés à proximité des oreilles ou - comme cela se pratique habituellement - en utilisant une tête artificielle dont les microphones sont placés à l'entrée des canaux auditifs.
EN SAVOIR PLUSENREGISTREMENT BINAURAL Ce type d'enregistrement est conçu pour être joué directement avec un casque audio haute qualité, ce qui signifie que le son est restitué au plus près du point de capture. La lecture sur haut-parleurs ne nécessite pas de traitement supplémentaire du signal, comme la suppression de la diaphonie, puisque qu'il est diffusé dans la pièce et autour de la tête de l'auditeur, créant ainsi une expérience complètement différente.
Fig. 2 : La reproduction fidèle des environnements sonores tridimensionnels par le biais de haut-parleurs doit être réalisée dans des pièces à forte absorption acoustique afin d'éviter les phénomènes de réverbération.
Reproduction de champ sonore
EN SAVOIR PLUS
RÉSEAU DE MICROPHONES
Cette méthode consiste à utiliser un réseau de microphones disposés de manière rapprochée, selon un maillage tridimensionnel. Cette méthode permet d'enregistrer le son en un point, mais avec des informations spatiales sur la direction des incidences acoustiques. Grâce à des algorithmes avancés, il est possible de reproduire un champ sonore identique en installant des haut-parleurs autour de l'auditeur.
Le résultat est optimal si la pièce est hautement absorbante, afin de limiter la réverbération du son transmis à l'auditeur. A défaut, les caractéristiques propres à la pièce doivent être intégrées. (fig. 2). Cette technique exige que l'auditeur se maintienne dans une position fixe, ou à minima dans une zone restreinte. Cette expérience serait fidèle à la réalité : se tourner vers les différents haut-parleurs donne l'impression d'être face aux véritables sources sonores.
Fig. 3 : Mesure de l'HRTF pour une source avec un angle spécifique
Fonctions de transfert relatives à la tête
Il est possible d'associer les deux techniques et d'écouter le son au casque, même s'il a été enregistré grâce à un réseau de microphones. Ce processus implique également un retraitement pour convertir l'enregistrement de l’antenne acoustique en un signal binaural. Pour y parvenir, il convient de prendre en considération le rôle de la tête de l'auditeur et son influence sur le son provenant de différentes directions.
Cette relation correspond à la fonction de transfert de la tête (HRTF). Une seule HRTF permet de déterminer la manière dont un son créé en un point spécifique sera perçu par l'oreille droite ou gauche. Nous pouvons considérer qu'il s'agit de l'empreinte acoustique de votre tête et de votre torse.
Pour mesurer une HRTF, un haut-parleur doit être positionné à l'emplacement de la source et un microphone placé au niveau de l'oreille (fig. 3). Bien que cette opération soit gérable pour un seul ou quelques emplacements de source, couvrir tous les angles possibles exige un grand nombre de HRTF, et ce, pour chaque oreille (fig. 4). Toutefois le résultat sera très intéressant. Comparé à l'écoute d'un enregistrement binaural pur, il est intéressant d'exploiter un signal enregistré par une antenne et traité par HRTF, dans la mesure où le dispositif de réécoute peut se baser sur un capteur permettant de détecter l'orientation de la tête et de modifier le traitement en conséquence.
À titre d'exemple, en tournant la tête vers la gauche, la source sonore initialement située en face apparaît à droite et vice versa. Il en résulte une impression de "présence" comparable à celle procurée par l'installation de haut-parleurs, mais sans la contrainte de disposer d'une chambre adaptée, puisque le son est transmis directement du casque aux oreilles.
Fig. 3 - Pour traiter le son émis depuis toutes les directions, la mesure HRTF doit être répétée pour de nombreuses positions de sources réparties autour de la tête.
Par : Matthias ScholzConcepteur d'interface utilisateur
Ph.D. Acoustique appliquée
Brüel & Kjær
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